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BA1 2006-2007 travaux d'encyclo
20 janvier 2007

L’acte de peindre.

Travail d’encyclopédie de la philosophie:            

                               L’acte de peindre.

Introduction:

            Le sujet de ce texte s’est transformé au fur et à mesure qu’il se déterminait.

            Dans un premier temps, le choix de la notion de corps dans la peinture paraissait établir un lien entre peinture et philosophie.  Par cette notion,  le tableau est envisagé comme transposition du corps.  Cette position,  liée à une expérience personnelle de la pratique picturale ne permettait pas de dépasser une réflexion subjective.  La notion de corps fut abandonnée au profit des concepts aristotéliciens antagonistes de forme et de matière.  Cependant, ces deux concepts risquaient d’imposer une classification réductrice trop éloignée du caractère dynamique et complexe de l’expérience picturale.  Par conséquent, la notion de corps est maintenue et intégrée dans une thématique plus vaste qui comprend deux autres notions :  la vision et la profondeur.

            Ces trois notions se retrouvent dans la pensée phénoménologique de Merleau-Ponty et plus particulièrement dans son dernier écrit L’oeil et l’esprit  où le philosophe cerne au plus près l’acte de peindre.  Pour cette raison, cet ouvrage est la référence majeure de ce travail qui,    par ailleurs, n’a pas la prétention d’en être le commentaire.

La position de Merleau-Ponty, éclairée par l’oeuvre Cézanienne et le cubisme, sera confrontée aux positions cartésiennes du corps, de la vision et de la profondeur.

            La notion de corps est première;  le corps, origine de toute perception, est immergé dans le monde.  “C’est en prêtant son corps au monde que le peintre change le monde en peinture”.  La vision sera abordée dans une seconde étape.  Elle est tantôt acte de mise à distance du monde extérieur, tantôt acte de manifestation du monde intérieur.  Á la suite de ces deux notions, la profondeur sera envisagée comme forme d’organisation de la vision.

Le corps:

                        

           La phénoménologie accorde une grande importance au corps, il est la condition d’accès de toute connaissance.                                                                                                                           Origine de toute perception, le corps est immergé dans le monde et non en face de lui.  Les choses ne sont que le prolongement du corps.  Celui-ci est à la fois un sujet conscient et un objet sensible, à la fois sentant et senti, voyant et visible...  Cette expérience primordiale de la perception est au départ secrète et indécible.  Le travail du peintre est de dégager le sens latent du contact fusionnel qu’il entretient avec le monde.  La nature fait écho dans le corps du peintre et se double en une nature intérieure dans laquelle il va puiser son inspiration.  Le peintre réveille la nature qui est en lui pour la transformer en peinture.  Toute sa vie, Cézanne a voulu peindre le monde primordial de la perception que nous avons des choses et  notre ancrage corporel en elles.  Il a cherché à déceler la matérialité des choses, leur solidité et leur durée par l’expérience de la corporéité.  Tandis que l’homme de la rationnalité cartésienne refoule sa corporéité  et enferme lui et les choses dans des modèles immatériels fabriqués par sa conscience mentale.  D’un côté nous avons un être de chair, et de l’autre un être abstrait.

La vision:

                        L’acte de peindre est exclusivement un acte de vision.  Par rapport au monde perceptif qui peut être qualifié d’amorphe, la vision est déjà un premier acte.  L’acte de la vision est double :  il est à la fois la mise à distance du monde extérieur et à la fois la manifestation du monde intérieur.  Regarder, c’est mettre à distance les choses.  Mais si la vision du peintre, n’était qu’une mise à distance du monde, il n’y aurait pas de différence entre la démarche picturale et celle des scientifiques qui séparent radicalement le sujet de l’objet.  “La science manipule les choses et renonce à les habiter”.  Ce qui fait la spécificité de la position du peintre, c’est qu’il se laisse imprégner, transpercer par le monde, qui résonnant en lui, est reconstruit et ensuite projetté sur la toile.  Le peintre rend visible ce que la vision profane croit invisible.  Il rend compte des sous -bassements du monde perceptif.  La vision intérieur du peintre engendre un univers complet et pourtant toujours partiel.  Chaque tableau est un univers complet en lui-même et partiel par rapport à d’autres tableaux.  Cette vision ressemble à celle d’un nouveau-né.  Elle demande à être continuellement renouvelée. 

             Pour les Cubistes comme pour Merleau-Ponty, la vision dépend du mouvement.  Le mouvement implique la multiplication des points de vues qui aboutit à un éclatement des plans.  Mais plus qu’un monde décomposé, le monde cubiste est un monde en formation.                  Contrairement à Merleau-Ponty, Descartes ne s’intéresse pas à la vision qui a lieu,  mais cherche à avoir une compréhension objective et scientifique de la vision.  Le sens du toucher pour Descartes peut se substituer à la vision, l’aveugle “voit” grâce à son bâton.  Le modèle pictural correspondant à la philosophie de Descartes, c’est la peinture perspectivique de la Renaissance.  La pespective centrée sur un point de fuite unique implique que  nous regardons avec un seul oeil  immobile et que nous sommes en dehors de l’espace.  Léonard de Vinci est le premier à avoir montré que l’écart entre les deux yeux provoque des images différentes faisant apparaître les objets en trois dimensions.  En réalité, le mouvement de notre oeil donne une forme sphéroïdale à l’espace.   Ainsi, l’espace est engendré par la courbe et non par la droite.  La perspective géométrique reproduit le schéma abstrait de ce qu’elle sait de la réalité et non ce qu’elle voit.  Sur ce point, elle rejoint la vision des Cubistes, mais aussi plus étonnement celle de l’enfant que la perspective prétend corriger.

La profondeur:

                         La profondeur n’est qu’une dimension de l’espace, la largeur et la longeur ne seront pas évoquées ici.

            Dans la peinture moderne soutenue par Merleau-Ponty, la profondeur n’est plus l’organisation d’une illusion, elle n’est plus la troisième dimension.  Elle doit être cherchée et renouvelée à chaque tableau, il s’agit d’une perspective vécue.  L’espace moderne est un espace polymorphe.  La profondeur peut naître de la couleur qui anime la forme.  Cette profondeur obtenue par la couleur crée une texture, une matérialité, une identité.  La couleur dans la peinture moderne n’est pas le simulacre de la nature, de même, la forme n’est pas la représentation de l’enveloppe extérieur de l’objet.

Les tableaux modernes suggèrent des espaces, tandis que les tableaux classiques imposent un type d’espace.

             Dans la perspective géométrique soutenue par Descartes, le tableau est comparé à une fenêtre.  L’espace cartésien est idéalisé, parfait et homogène.  L’image est produite par les lignes droites qui relient l’oeil à l’objet, la notion d’infini est symbolisée visuellement par le fait que ces lignes convergent en un seul point.  Pour Descartes, la couleur n’est qu’un ornement, toute la force de la peinture réside dans le dessin.  Le dessin est le rapport réglé entre lui et le monde.  Par la production Méthodique d’images parfaites du monde, nous pouvons aboutir à une peinture universelle délivrée de l’art personnel.  Mais la perspective de la Renaissance n’est qu’un moment dans l’histoire de la peinture.  D’autres systèmes de perspectives ont eu court, comme la perspective mystique chinoise, la perspective symbolique du Moyen-Age et la perspective sentimentale du Baroque.

            La conception spatiale de Cézanne est intéressante, car après avoir revécu toute les étapes de l’histoire de la peinture, il est arrivé à donner de l’équilibre, de la stabilité et de la respiration à ses tableaux par le mouvement.

Conclusion:      

            Le corps est la source de toute expérience sensible.  Le peintre entretient un rapport fusionnel avec le monde, c’est ce rapport, qu’il interroge dans sa peinture.

L’acte de peindre est un acte de vision.  La vision du peintre est particulière.  Le peintre n’est pas séparé des  choses, il se laisse imprégner par elles et en même temps par sa vision, il les tient à distance.  La vision du peintre doit toujours être renouvelée.  Il ne peut y avoir une seule vision comme il ne peut y avoir une seule perspective.  La conception spatiale d’un peintre est ce qui l’identifie,  ce qui l’individualise.   

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L
Indications bibliographiques <br /> <br /> 1. Livres:<br /> ARISTOTE, physique et métaphysique, trad. fr. , Paris, Presses universitaires de France, 1972.<br /> <br /> BONAN Ronald, et al. (ed.), Merleau-Ponty de la perception à l’action, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2005.<br /> <br /> BRION-GUERRY Lilane, Cézanne et l’expression de l’espace, Paris, Albin Michel, 1966.<br /> <br /> CARBONE Mauro, La visibilité de l’invisible. Merleau-Ponty entre Cézanne et Proust, Hidesheim, Europaea Memoria, 2001.<br /> <br /> DELEUZE Gilles, La vue, le texte, Francis Bacon, Logique de la sensation, Paris, La Différence, 1984.<br /> <br /> DESCARTES René, La dioptrique, in Le discours de la méthode, 3 vol. , vol. 1, Paris, Garnier Frères, 1963. <br /> <br /> HEIDSIECK François, L’onthologie de Merleau-ponty, Paris, Presses universitaires de France, 1971.<br /> <br /> HUSSERL Edmund, Méditations cartésiennes , trad. fr. G. Pfeiffer et E. Lévinas, Paris, Colin, 1931.<br /> <br /> MERCURY Jean-Yves, Approches de Merleau-ponty, L’Harmattan, Paris, Budapest, Turin, 2001 <br /> <br /> MERLEAU-PONTY Maurice, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945.<br /> <br /> MERLEAU-PONTY Maurice, L’oeil et l’esprit, Paris, Gallimard, 1964.<br /> <br /> PANOFSKY Erwin, La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’occident, trad. fr. L. Verron, Paris, Flammarion, 1976. <br /> <br /> PAULHAN Jean, La peinture cubiste, Paris, Denoë Gonthier, 1970. <br /> <br /> RILKE Reiner Maria, Lettres sur Cézanne, trad. fr. P. Jaccottet, Paris, Seuil, 1991.<br /> <br /> VALDINOCI Serge, Merleau-Ponty dans l’invisible. L’oeil et l’esprit au miroir du Visible et l’invisible, Paris, Montréal, L’Harmattan, 2003.<br /> <br /> WAHL Jean, Du rôle de l’instant dans la philosophie de Descartes, Paris, Descartes &Cie, 1994.<br /> <br /> 2. Articles:<br /> <br /> ALAIN, “On invente qu’en travaillant”, in L’oeuvre d’art, LENOIR Béatrice, Paris, Flammarion, 1999, p. 109-114. <br /> <br /> BERGSON Henri, “L’art nous met face à face avec le monde”, in L’oeuvre d’art, LENOIR Béatrice, Paris, Flammarion, 1999, p. 190-196.<br /> <br /> MALDINEY Henri, “L’abstraction est l’acte vital de l’art”, in L’oeuvre d’art, LENOIR Béatrice, Paris, Flammarion, 1999, p. 205-210.<br /> <br /> RAVAISSON Félix, “ C’ est la considération de l’ ensemble et du principe qui fait l’ art”, in L’ oeuvre d’ art, LENOIR Béatrice, Paris, Flammarion, 1999, p. 105-109.<br /> <br /> DE VINCI Léonard, “Les vraies sciences nous sont communiquées par les sens”, in L’oeuvre d’art, LENOIR Béatrice, Flammarion, 1999, p. 133-136.
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