La conception nietzschéenne de la musique ou la fondation d’une nouvelle éthique de l’existence...
Démal Bruxelles, le 27 décembre 2006
Christophe
(060165-74)
La conception nietzschéenne de la musique ou la fondation d’une nouvelle éthique de l’existence...
Pourquoi Nietzsche ? En lisant la sagesse tragique[1], J’ai été touché par le regard presque « compatissant » que Michel Onfray porte sur lui, ou plus exactement par la critique qu’il fait de l’image – tellement négative – que l’histoire à gardée de ce véritable poète de la philosophie. Nombre de ses contemporains s’accordaient d’ailleurs à dire qu’il était : « le plus musicien de tout les philosophes »[2]... c’est donc par ce lyrisme que j’ai trouvé une porte d’entrée dans l’œuvre colossale de ce philosophe ....Je vais maintenant m’attacher à un point en particulier de son œuvre : la musique.Celle-ci constitue le sujet de plusieurs ouvrage dont celui qui m’a guidé dans ce raisonnement : la naissance de la tragédie[3] (1872).
Premièrement: « qu’est-ce que Nietzsche appelle musique ? » Sa définition nous entraîne dans un voyage à travers les âges, pour nous ramener en plein cœur de la civilisation grecque. Il nous présente le point de départ de sa réflexion au travers de la conception antique des arts et notamment dans une première opposition : celle de l’apollonien et du dionysiaque, qui consiste à séparer les arts plastiques (apolloniens), des arts lyriques (dionysiaques). La musique est donc, pour Nietzsche, un art associé à la conception de Dionysos. En effet, la musique est l’expression des passions et est de ce fait, le fruit de la libération de ces dernières, ce qui est permis par l’ivresse dionysiaque. Et il ajoutera que, venant du plus profond des hommes, elle ne peut que générer des images chez eux.
D’ailleurs, en Grèce, elle aurait engendré les mythes tragiques (représentation symboliques de la sagesse dionysiaque). Il est légitime de s’interroger sur cette sagesse ? Pour Nietzsche, le fait que la tragédie nous montre à travers la mort du héros la puissance de la vie est la traduction de cette sagesse dionysiaque. Ce raisonnement met en exergue le pouvoir cathartique de la tragédie.
À la lumière de cette réflexion, on s’aperçoit à quel point la musique pourrait servir de fondement à une nouvelle éthique de l’existence. Ainsi, pour Nietzsche, le bonheur nous est accessible par l’opération d’un retour à une éthique païenne, propre à la civilisation grecque qui l’a tant intéressé. Cette dernière se fonde essentiellement sur l’esthétique cynique. Le cynisme prend comme figure de proue Éros – pour ce qu’il a de plus passionnel- ; ce dernier, peut être assimilé à Dionysos. Dans la quête du bonheur, Nietzsche nous indique que cet Éros dans son déchaînement passionnel et dans sa recherche permanente des plaisirs simples, doit être un modèle pour nous [ses contemporains], comme l’a été Dionysos pour les Grecs. Mais à son époque cet Éros – personnalisant la recherche des plaisirs simples, d’une certaine libération ou plus directement du bonheur – se heurtait à des tonnes d’obstacles dont le principal fut sûrement le christianisme, qui l’a allègrement torturé mais « il n’en est pas mort »[4]. Donc, contre l’hypocrisie et l’exigence de l’étouffement – que réclamait son époque – il souhaitait une vie simple à l’écoute des pulsions, des passions et des plaisirs (qui ne sont jamais que les attributs de la musique).
Donc, le bonheur est possible! Je formule cette exclamation comme une sorte de réponse a l’écho pessimiste qui retenti dès que l’on cite le nom de Nietzsche, je ne nie pas une certaine passion de l’auteur pour le spleen baudelairien, ni un certain fatalisme mais comme l’a si bien mis en valeur Onfray dans son ouvrage sur l’interprétation de l’auteur. L’écriture nietzschéenne dans tout ce qu’elle a de plus obscure laisse a tout moment transpiré un soupçon aussi infime soit-il d’espoir...
Pour finir, je vais en quelque sorte utiliser pour clôturer mon travail la conclusion que Nietzsche lui-même formule pour la naissance de la tragédie. Il termine sur une note d’espoir, la culture rationaliste qui est la nôtre depuis Socrate doute aujourd’hui de ses fondements et souffre de sa stérilité. Mais l’esprit dionysiaque a survécu dans la musique et peut inspirer la naissance d’une nouvelle culture pourquoi pas celle du bonheur.
Il m’a, simplement, conseillé de plus attacher, la fin de ma réflexion, au sujet de l’espoir et du bonheur, à la musicalité chez Nietzsche ....
[1] ONFRAY Michel, la sagesse tragique ou du bon usage de Nietzsche, Paris, Gallimard, 2006.
[2] Traduction personnelle de la phrase: « the most musical of all philosophers » extraite de: LIEBERT Georges, Nietzsche and music, Chicago (U.S.A), University Of Chicago Press
[3] NIETZSCHE Friedrich, la naissance de la tragédie ou hellénisme et pessimisme, trad. fr. MARNOLD Jean et MORLAND Jacques, in œuvres, Paris, Robert Laffont, 1993.
[4] NIETZSCHE Friedrich, par-delà le bien et le mal, § 68