Etude du Symbole des Apôtres catholique
Travail pour le cours de monsieur Timmermans :
Encyclopédie de la philosophie
Roisin Olivier
Notre travail aurait pu s’arrêter à la lecture de Jean Paul II : « L’Eglise ne propose pas sa propre philosophie, ni ne canonise une quelconque philosophie particulière au détriment des autres »[1]. Cependant notre désir de mieux comprendre la chrétienté au travers de ses dogmes s’est trouvée réconfortée par le même ouvrage : « Le théologien (…) doit aussi connaître en profondeur les systèmes philosophiques qui ont éventuellement influencé les notions et la terminologie »[2]. Nous ne disserterons pas sur cette apparente contradiction du célèbre Fides et Ratio, mais tenterons d’étudier les dogmes chrétiens au moyen de ce qui semble être leur instrument de divulgation principal : le Symbole des Apôtres[3]. Notre but est ici de tenter de mettre à jour la philosophie sous tendue par l’écrit dogmatique. Nous avons d’abord cherché dans l’histoire de sa conception mais cela ne permettait pas un débat réellement contemporain. Nous nous sommes donc mis en quête d’autres grilles de lecture du texte.
Comme nous le disions, l’étude historique[4] ne permet pas le débat. Elle montre que le credo a été conçu comme une arme à l’égard des païens, des gnostiques ou des Juifs. L’apprentissage obligatoire lors de la communion solennelle de cet écrit semble, de ce point de vue, tout à fait absurde : pourquoi obliger les croyants à perpétuer une arme (voire le combat) qui vise ce contre quoi il n’y a désormais plus lieu de se battre ?
Face à cet écrit, on pourrait reposer toutes les questions qui se sont posées au cours de l’histoire de l’Eglise. On pourrait constater que la trinité défendue par le Symbole[5] va à l’encontre de ce que prônaient les Pères de l’Eglise. Plus généralement, on pourrait constater que le Dieu d’antan n’est plus celui d’aujourd’hui, que tout n’est que changement d’interprétation des textes. Cependant, comme nous l’avons déjà signalé, cela n’apporterait pas de grand élément à notre réflexion philosophique à propos du credo d’aujourd’hui.
L’étude du texte proprement dit s’avère beaucoup plus constructive dans le cadre que nous nous sommes fixés. Remarquons d’abord que tout est centré sur la personne de Jésus. Ce serait logique si on oubliait que le titre est complètement erroné du point de vue historique. On parle du Fils, ou plutôt de sa naissance, de sa mort, puis de sa résurrection, mais on ne mentionne aucun élément de sa vie qui constitue, tout de même, l’élément fondateur des religions chrétiennes ! On parle de la vie comme si elle n’était qu’une salle d’attente vers le paradis : celui-ci semble être l’issue quoi qu’on fasse. L’enfer est conçu comme purgatoire plutôt que comme lieu de séjour éternel à l’instar du paradis. La dualité véritable bien/mal n’est donc pas présente dans ce texte.
D’autres personnages apparaissent néanmoins et leur analyse corrobore notre hypothèse. Les croyants sont appelés à croire au Saint Esprit en échange de quoi il semble devoir gagner un « ticket gratuit » pour le paradis. Pilate et Marie ne sont mentionnés que dans le cadre d’un rapport unique au Christ (la naissance pour la Vierge et la souffrance pour Pilate).
La vie de Jésus, chacun le sait, constitue un exemple à suivre pour les Chrétiens. Le texte stipule sa conception, sa naissance, puis il montre sa décadence (de la souffrance à l’enfer) pour terminer par une remontée spectaculaire sur l’échelle du bonheur vers le paradis (dont on ne connaît absolument rien). Ceci voudrait-il soutenir la thèse ascétique emplie d’espoir ? Faut-il souffrir pour ensuite accéder au bonheur suprême ? Nous laissons le soin de la réponse aux nombreux philosophes et théologiens qui se sont penchés sur la question et nous nous contentons ici de constater que le Symbole des Apôtres pose la question.
La structure même du texte apporte aussi matière à réflexion. L’écrit se découpe en trois paragraphes dont la longueur diminue progressivement. Le dernier est éloquent. En effet, ce simple « Amen » semble être posé comme le résumé, la conclusion logique, de tout ce qui vient d’être dit. Pour affirmer sa foi, il suffit de prononcer ce simple mot : il constitue logiquement l’essentiel du contenu. Remarquons la répétition, en Français, de ce terme au début des deux paragraphes précédents. Il s’agit donc aussi d’un élément formellement structurant.
A sa lecture, le texte ne laisse apparaître aucun souci pédagogique à l’égard du chrétien : le souhait principal du texte est la croyance « aveugle », sans compréhension des dogmes. En quelque sorte, le croyant dit « oui » à des choses qui le dépassent. On enseigne le Symbole à des enfants de douze au treize ans : sont-ils seulement capables de comprendre, de décoder ce qu’ils récitent en chœur ? En somme, alors que l’interprétation des textes se trouve souvent modifiée, la manière de procéder de l’Eglise semble inchangée : attirer les foules à n’importe quel prix, y compris celui de l’ignorance.
Jésus offrait un magnifique message à ses contemporains. Pour le comprendre aujourd’hui, il faudrait redresser le mythe[6] et offrir les clés de lectures nécessaires à leur compréhension. Or pour Jean Paul II, a philosophie ne doit être pratiquée que par les théologiens comme si une communauté chrétienne savante risquait de menacer trop profondément la sacro-sainte tradition antique.
L’écrit dogmatique n’offre pas les clés de lecture que l’on pourrait attendre de lui. Quand on parle de l’histoire de la religion, on aboutit vie à des conclusions de stratégies de séduction. L’étude de la conception n’apporte donc pas de réelles corrélations avec le message pacifique du Christ. En outre, le credo sous-tend, presque insidieusement, la conception d’une vie d’espérance et d’ascèse. En conclusion, le credo ne peut ni se revendiquer « résumé des dogmes catholiques »[7], ni prétendre offrir une aide pédagogique aux jeunes croyants.
[1] Jean-Paul II (pape), La foi et la raison, Lettre encyclique Fides et Ratio, Paris, éd. du cerf, 1998, chapitre V, §49, p.67.
[2] Ibid., chapitre VI, §65, p. 86.
[3] Cf. annexe 1: le Symbole des Apôtres.
[4] Cf. annexe 2: histoire détaillée de l’insertion des dogmes les plus importants dans le Symbole des Apôtres.
[5] Cf. versets 1, 3 et 5.
[6] Cf. Couloubaritsis L., Les grands courants de la philosophie de l’Antiquité au Moyen Age, Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 2006.
[7] Expression tirée de : Liégé P., Christianisme, in www.universalis-edu.com [en ligne], consulté le 06/12/2006.